Page:Leconte de Lisle - Poèmes barbares.djvu/305

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
295
LA XIMENA.

Il n’est point roi, celui qui défaille en justice,
Afin qu’il plaise au fort et que l’humble pâtisse
Sous l’insolente main chaude du sang versé !
Et toi, plus ne devrais combattre, cuirassé
Ni casqué, manger, boire, et te gaudir en somme
Avec la Reine, et dans son lit dormir ton somme,
Puisque ayant quatre fois tes promesses reçu,
L’espoir de ma vengeance est quatre fois déçu,
Et que d’un homme, ô Roi, haut et puissant naguère,
Le plus sage aux Cortès, le meilleur dans la guerre,
Tu ne prends point la race orpheline en merci ! —

La Ximena se tait quand elle a dit ceci.

Hernan répond :
                          — Par Dieu qui juge ! damoiselle,
Ta douloureuse amour explique assez ton zèle,
Et c’est parler fort bien. Fille, tes yeux si beaux
Luiraient aux trépassés roidis dans leurs tombeaux,
Et tes pleurs aux vivants mouilleraient la paupière,
Eussent-ils sous l’acier des cœurs durs comme pierre.
Apaise néanmoins le chagrin qui te mord.
Si Lozano Gomez, le vaillant Comte, est mort,
Songe qu’il offensa d’une atteinte très grave
L’honneur d’un cavalier de souche honnête et brave,
Plus riche qu’Iñigo, plus noble qu’Abarca,
Du vieux Diego Lainez à qui force manqua.