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À L’ITALIE.


— Elle couve son mal en un repos profond ;
Elle ne pleure plus comme un troupeau d’esclaves ;
Et le fouet siffle et mord, et rien ne lui répond ! —

Mais plutôt, Italie ! ô nourrice des braves !
Sous ce même soleil qui féconda tes flancs,
Ne gis plus, le cœur sombre et les bras lourds d’entraves.

De tes plus nobles fils les fantômes sanglants
Assiègent ton sommeil d’impérissables haines,
Et tu songes tout bas : Les dieux vengeurs sont lents !

Les dieux vengeurs sont morts. Sèche tes larmes vaines ;
Ouvre le réservoir des outrages soufferts,
Verse les flots stagnants qui dorment dans tes veines.

Hérisse de fureur tes cheveux par les airs,
Reprends l’ongle et la dent de la louve du Tibre,
Et pousse un cri suprême en secouant tes fers.

Debout ! debout ! Agis ! Sois vivante, sois libre !
Quoi ! L’oppresseur stupide aux triomphants hourras
Respire encor ton air qui parfume et qui vibre !

Tu t’es sentie infâme, ô Vierge, entre ses bras !
Il ronge ton beau front de son impure écume,
Et tu subis son crime, et tu le subiras !