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POÈMES BARBARES.


Mais puisque sur ce globe où tout s’écroule et change,
Vivante, tu tombas de ce faîte si beau,
Est-ce un gémissement qui lavera ta fange ?

Du jour où le Barbare, éteignant ton flambeau,
Ivre de ta beauté, sourd à ton agonie,
T’enferma dans l’opprobre ainsi qu’en un tombeau,

Bercés aux longs accents de ta plainte infinie,
Les peuples se sont fait un charme de tes pleurs,
Tant ta misère auguste est sur de ton génie !

Tant tu leur as chanté, dans tes belles douleurs,
Le cantique éternel des races flagellées,
Tant l’épine à ton front s’épanouit en fleurs !

Fais silence, Victime aux hymnes désolées !
Le silence convient aux sublimes revers,
Et l’angoisse terrible a les lèvres scellées !

Farouche, le front pâle et les yeux grands ouverts,
Laisse se lamenter les nations serviles ;
Sois comme une épouvante au sceptique univers !

Qu’il dise, contemplant de loin tes mornes villes,
Et tes temples muets, et ton sol infécond,
Et toi, tes longs cheveux souillés de cendres viles :