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POÈMES BARBARES.


Souviens-toi de ces jours sacrés de ton histoire
Où tu menais le chœur des peuples inhumains
De leur ombre sinistre à ton midi de gloire ;

Où la vie ample et forte emplissait tes chemins,
Où tu faisais jaillir de la terre sonore
D’éclatantes cités écloses sous tes mains ;

Où le vieil Orient, baigné par ton aurore,
Comme ses rois anciens au berceau de ton Dieu,
Faisait fumer l’encens à tes pieds qu’il adore ;

Où, le cœur débordant de passions en feu,
D’Hellas, morte à jamais, tu consolais le monde ;
Où tu courais, versant ta lumière en tout lieu !

Oh ! Comme tu nageais, jeune, ardente et féconde,
Dans ces flots immortels chers à la volupté !
Comme tu fleurissais sur la neige de l’onde !

Les peuples abondaient autour de ta beauté,
Pleins d’amour, allumant leur pensée à tes flammes,
Emportant ton parfum qui leur était resté !

Comme ils ont écouté tes mille épithalames !
Comme ils ont salué ce long enfantement,
Cet essaim glorieux de magnifiques âmes !