Page:Leconte de Lisle - Poèmes barbares.djvu/152

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
142
POÈMES BARBARES.


Maintenant les saphirs et les diamants roses
S’ouvrent en fleurs de flamme autour de ta beauté
Et constellent la soie et l’or où tu reposes
Sous le dôme royal de ton palais d’été.

Deux rançons de radjah pendent à tes oreilles ;
Golkund et Viçapur ruissellent de ton col ;
Tu sièges, ô Persane, au milieu des merveilles,
Auprès du fils d’Akbar, sur le trône mongol.

Et la maison d’Ali désormais est déserte.
Les jets d’eau se sont tus dans les marbres taris.
Plus de gais serviteurs sous la varangue ouverte,
Plus de paons familiers sous les berceaux flétris !

Tout est vide et muet. La ronce et l’herbe épaisses
Hérissent les jardins où le reptile dort.
Mais Nurmahal n’a point parjuré ses promesses ;
Nurmahal peut régner, puisque Ali-Khan est mort !

À travers le ciel pur des nuits silencieuses,
Sur les ailes du rêve il revenait vainqueur,
Et ton nom s’échappait de ses lèvres joyeuses,
Quand le fer de la haine est entré dans son cœur.

Gloire à qui, comme toi, plus forte que l’épreuve,
Et jusqu’au bout fidèle à son époux vivant,
Par un coup de poignard à la fois reine et veuve,
Dédaigne de trahir et tue auparavant !