Jamais, au bercement des chants et des caresses,
Baigné d’ardents parfums, d’amour et de langueur,
Djihan-Guîr n’a senti de plus riches ivresses
Telles qu’un flot de pourpre inonder tout son cœur.
Qui chante ainsi ? La nuit a calmé les feuillages,
La tourterelle dort en son nid de çantal,
Et la Péri rayonne aux franges des nuages…
Cette voix est la tienne, ô blanche Nurmahal !
Les grands tamariniers t’abritent de leurs ombres ;
Et, couchée à demi sur tes soyeux coussins,
Libre dans ces beaux lieux solitaires et sombres,
Tu troubles d’un pied nu l’eau vive des bassins.
D’une main accoudée, heureuse en ta mollesse,
De l’haleine du soir tu fais ton éventail ;
La lune glisse au bord des feuilles et caresse
D’un féerique baiser ta bouche de corail.
Tu chantes Leïlah, la vierge aux belles joues,
Celle dont l’œil de jais blessa le cœur d’un roi ;
Mais tandis qu’en chantant tu rêves et te joues,
Un autre cœur s’enflamme et se penche vers toi.
Ô Persane, pourquoi t’égarer sous les arbres
Et répandre ces sons voluptueux et doux ?
Pourquoi courber ton front sur la fraîcheur des marbres ?
Nurmahal, Nurmahal, où donc est ton époux ?
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POÈMES BARBARES.