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NURMAHAL.


Il caresse sa barbe, et contemple en silence
Le sol des Aryas conquis par ses aïeux,
Sa ville impériale, et l’horizon immense,
Et le profil des monts sur la pourpre des cieux.

La terre merveilleuse où germe l’émeraude
Et qui s’épanouit sous un dais de saphir,
Dans sa sérénité resplendissante et chaude,
Pour saluer son maître exhale un long soupir.

Un tourbillon léger de cavaliers Mahrattes
Roule sous les figuiers rougis par les fruits mûrs ;
Des éléphants, vêtus de housses écarlates,
Viennent de boire au fleuve, et rentrent dans les murs.

Aux carrefours où l’œil de Djihan-Guîr s’égare,
Passe, auprès des Çudrâs au haillon indigent,
Le Brahmane traîné par les bœufs de Nagare,
Dont le poil est de neige et la corne d’argent.

En leurs chariots bas viennent les courtisanes,
Les cils teints de çurma, la main sous le menton ;
Et les fakirs, chantant les légendes persanes
Sur la citrouille sèche aux trois fils de laiton.

Là, les riches Babous, assis sous les varangues,
Fument des hûkas pleins d’épices et d’odeurs,
Ou mangent le raisin, la pistache et les mangues
Tandis que les Çaïs veillent les chiens rôdeurs.