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LE MASSACRE DE MONA.

Si l’onde Azewladour est près de se tarir,
Si le fer va trancher les bois, s’il faut mourir,
Nous voici, nous voici, vierges, prêtres et bardes,
Résignés au destin sacré que tu nous gardes,
Et plus fiers de tomber sans tache devant toi
Que de survivre au jour de ta ruine, ô Roi !
Salut, vous tous, ô fils de Math, Vertus antiques
Du monde, qui hantiez les forêts prophétiques,
Les îles de la mer et les âpres sommets !
Vivants ou morts, les Purs sont à vous pour jamais !
Vivants ou morts, nos yeux vous reverront, ô Maîtres !
Car qui rompra la chaîne éternelle des êtres ?
Qui tranchera les nuds du Serpent étoilé ?
Qui tarira l’abîme où la vie a coulé,
Quand le Générateur aux semences fécondes,
Math, fit tourbillonner la poussière des mondes,
Et, réchauffant le germe où dort l’humanité,
Dit : — Monte dans le temps et dans l’illimité ! —
Non ! Rien ne brisera l’enchaînement des choses.
Toujours, de cieux en cieux, dans la lumière écloses,
Les demeures de l’âme immortelle luiront,
Et nuls Dieux ennemis ne les disperseront.
Chantez, Bardes ! Voici l’outrage et l’agonie.
Chantez ! La mort contient l’espérance infinie.
Voici la route ouverte, et voici les degrés
Par où nous monterons vers nos destins sacrés ! —
Tandis qu’Uheldéda, levant sa pâle tête,
Tendait les bras au ciel où roulait la tempête,
L’Esprit du vent, d’un coup de son aile, brisant