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LE MASSACRE DE MONA.

Avec tentes et chars et les troupeaux beuglants ;
Au passage, entaillant le granit de ses armes,
Rougissant les déserts de mille pieds sanglants.
Elle allait ! Au-devant de sa course éperdue
Les peuples refluaient comme des flots humains ;
Les montagnes croulaient étreintes par ses mains ;
Elle allait ! Elle allait à travers l’étendue,
Laissant les os des morts blanchir sur ses chemins.

Une mer apparut, aux hurlements sauvages,
Abîme où nuls sentiers n’avaient été frayés,
Hérissé, s’élançant par bonds multipliés
Comme à l’assaut de l’homme errant sur ses rivages,
Et jetant son écume à des cieux foudroyés.
Et cette mer semblait la gardienne des mondes
Défendus aux vivants, d’où nul n’est revenu ;
Mais, l’âme par delà l’horizon morne et nu,
De mille et mille troncs couvrant les noires ondes,
La foule des Kymris vogua vers l’inconnu.

La tempête, sept jours et sept nuits, par l’espace,
Poussa la flotte immense au but mystérieux ;
Et Hu-Gadarn volait sur les vents furieux,
Illuminant l’abîme où s’enfonçait sa race
Avec le souvenir, l’espérance et les Dieux !
Et les harpes vibraient dans les clameurs farouches
Qui se ruaient du ciel et montaient des flots sourds ;
Et les hymnes sacrés, échos des anciens jours,