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LE MASSACRE DE MONA.

Et vous, chanteurs anciens, chefs des harpes bardiques,
Qu’au pays de l’Été, sur les monts fatidiques,
Les clans qui ne sont plus ont écoutés souvent
Livrer votre harmonie au vol joyeux du vent !
Versez-moi votre souffle, ô chanteurs que j’honore,
Et parlez à vos fils par ma bouche sonore,
Car voici que l’Esprit m’emporte au temps lointain
Où la race des Purs vit le premier matin.

Ô jeunesse du monde, ô beauté de la terre,
Verdeur des monts sacrés, flamme antique des cieux,
Et toi, Lac du soleil, où, comme nos aïeux,
L’âme qui se souvient plonge et se désaltère,
Salut ! Les siècles morts renaissent sous mes yeux.
Les voici, rayonnants ou sombres, dans la gloire
Ou dans l’orage, pleins de joie ou pleins de bruit.
De ce vivant cortège évoqué de la nuit
Que les premiers sont beaux ! Mais que la nue est noire
Sous le déroulement sinistre qui les suit !

Les grandes Eaux luisaient, transparentes et vierges,
Plus haut que l’univers, entre les neuf Sommets ;
Avec un noble chant qui ne cessait jamais,
Vives, elles sonnaient contre leurs vastes berges,
Et dans ce lit, Gadarn ! toi, tu les comprimais.
La lumière baignait au loin leurs belles lignes
Où des rosiers géants rougissaient dans l’air bleu ;
De tout lotus ouvert sortait un jeune Dieu ;