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LE MASSACRE DE MONA.

Les uns tordant leurs bras noueux comme des fouets,
Ceux-ci contre leur sein courbant leurs fronts muets,
Et d’autres exhalant des plaintes étouffées,
Innombrables, les Dieux mâles avec les Fées,
Ils venaient, ils venaient par nuages s’asseoir
Sur les sommets aigus et sur le sable noir ;
Et, voyant affluer leurs masses vagabondes,
L’Esprit souffla de joie en ses conques profondes.

Sur le rivage bas, enclos de toutes parts
De rochers lourds, moussus, étagés en remparts,
Où le flot séculaire a creusé de longs porches,
Autour d’un bloc cubique on a planté neuf torches ;
Et la lueur sinistre ensanglante l’autel
Et la mer et la sombre immensité du ciel,
Et parfois se répand, au vent qui la déroule,
Comme une rouge écume au travers de la foule.

Les Bardes sont debout dans leurs sayons rayés,
Aux harpes de granit les deux bras appuyés.
À leurs reins pend la Rhote et luit le large glaive.
La touffe de cheveux qu’une écorce relève,
Flotte, signe héroïque, au crâne large et rond,
Avec la plume d’aigle et celle du héron.
Les Ovates, vêtus de noir, et les Evhages
Portant haches de pierre et durs penn-baz sauvages,
Pieds nus, poignets ornés d’anneaux de cuivre roux,
Et le front ombragé d’une tresse de houx,