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LE JUGEMENT DE KOMOR.


Et voici qu’elle aima d’un amour immortel !
Saintes heures de foi, d’espérance céleste,
Elle vit dans son cœur se rouvrir votre ciel !

Puis un brusque nuage, une union funeste :
Le grave et vieil époux au lieu du jeune amant…
De l’aurore divine, hélas ! rien qui lui reste !

Le retour de celui qu’elle aimait ardemment,
Les combats, les remords, la passion plus forte,
La chute irréparable et son enivrement…

Jésus ! Tout est fini maintenant ; mais qu’importe !
Le sang du fier jeune homme a coulé sous le fer,
Et Komor peut frapper : Tiphaine est déjà morte.

— Femme, te repens-tu ? C’est le ciel ou l’enfer.
De ton sang résigné laveras-tu ton crime ?
Je ne veux pas tuer ton âme avec ta chair.

— Frappe. Je l’aime encor : ta haine est légitime.
Certes, je l’aimerai dans mon éternité !
Dieu m’ait en sa merci ! Pour toi, prends ta victime.

— Meurs donc dans ta traîtrise et ton impureté !
Dit Komor, avançant d’un pas grave vers elle ;
Car Dieu va te juger selon son équité. —