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LE RUNOÏA.

L’ENFANT.


Vous ne chanterez plus sur les harpes de pierre,
D’un Dieu qui va mourir prêtres désespérés !
Mon souffle a dissipé comme un peu de poussière
Et la science antique et les chants inspirés.
Vous ne charmerez plus les oreilles humaines :
Mon nom leur paraîtra plus vénérable et doux.
Pareils aux bruits mourants des tempêtes lointaines,
Les vieux Jours dans l’oubli rentreront avec vous.
Les peuples railleront votre vaine sagesse,
Et, d’un pied dédaigneux foulant vos os proscrits,
Prendront, pour obéir à ma loi vengeresse,
Votre mémoire en haine et vos noms en mépris.
Le siècle vous rejette ; et la mort vous convie :
Subissez-la, muets, comme il sied aux cœurs forts ;
Car il faut expier la gloire avec la vie,
Avant de s’endormir auprès des aïeux morts.


LES CHASSEURS.


Qu’ils meurent, s’il le faut ! Dans les steppes natales
En chasserons-nous moins le cerf au bond léger ?
Vienne le jour marqué par les Runas fatales !
La querelle des Dieux est pour nous sans danger.
Pourvu que l’ours rusé se prenne à nos embûches,
Que l’arc ne rompe pas, et qu’un chaud hydromel
Au prompt soleil du Nord fermente dans les cruches,
Frères, la vie est bonne à vivre sous le ciel !
Vivons, ouvrons nos cœurs aux ivresses nouvelles ;