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dans d’autres cœurs, ont été proclamés par d’autres bouches, et voici qu’au dix-neuvième siècle, à l’apogée de la civilisation, la justice et le droit sont encore le cri de l’avenir et la condamnation du présent : cri sublime arraché des entrailles de tout ce qui souffre, protestation universelle des peuples aux rois, des faibles aux forts, des hommes à Dieu !

Est-ce donc vainement que tant de noble sang a coulé, que tant de bûchers romains ont dévoré de prophètes-martyrs, que tant de paroles et d’œuvres généreuses ont troublé l’âme des oppresseurs, que tant de révolutions terribles ont remué de fond en comble les sociétés mauvaises ? Ce long travail de l’humanité entrepris, et rudement mené à fin jusqu’à ce jour, au nom de la Justice et du Droit, était-il coupable, était-il inutile, et va-t-il cesser ? La foi héréditaire des nations, cimentée par tant de larmes, consacrée par tant d’efforts magnanimes, cette foi est-elle abolie ? Non, non ! que nul ne défaille et ne désespère. Les hommes qui de tout temps se sont dévoués à leurs frères opprimés, n’auront pas souffert en vain. Ils ont vécu, ils ont lutté, ils ont scellé de leur sang cet idéal de gloire et de bonheur, cette espérance divine inhérente à l’esprit humain ; ils ont quitté la terre en se léguant tour à tour leur tâche inachevée, mais que l’avenir accomplira. Ne doutons pas de leur