Page:Leconte de Lisle - L’Oppression et l’Indigence, paru dans La Démocratie pacifique, 29 novembre 1846.djvu/5

Cette page a été validée par deux contributeurs.

À l’époque la plus sombre du moyen-âge, une noble dame avait voué sa vie et ses richesses au soulagement des pauvres. Ses plus belles années et sa fortune tout entière s’écoulèrent en aumônes. Elle avait tout donné ; elle n’avait rien guéri. Le désespoir la saisit. Elle convoqua tous ses pauvres dans une église, et s’y brûla avec eux.

Cette histoire contient une vérité : c’est qu’à l’aide de l’aumône on ne sort de la misère que pour entrer dans la mort.

Oppression ! indigence ! fléaux inexorables, tristes fruits des temps mauvais ! vous avez une ennemie plus forte que vous ; elle vient, et le bruit de ses pas frappe déjà vos oreilles. Le sol tremble sous sa marche ; l’air est plein de son souffle ; beaucoup l’ont vue des yeux de l’esprit ; beaucoup l’annoncent du cœur et des lèvres.

Le jour où vous vous trouverez face à face ; vous, la ruse, elle, la franchise ; vous, le mensonge, elle, la vérité ; vous, la force brutale, elle, le droit ; ce jour-là vous aurez vécu, oppression et indigence, vices et plaies d’une société corrompue ; car cette ennemie qui vient, c’est la justice !