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cette demeure ma fille unique, et je pense que tu ne l’ignores pas. C’est pourquoi, ne dis pas, ô mon sang, que je ne prends point souci de toi parce que je pleure plus que Niobè aux beaux cheveux. En effet, on ne peut reprocher à une mère de gémir sur son fils malheureux. J’ai souffert pendant dix mois, en le portant dans mon sein, avant de le voir, et il m’a conduite presque aux portes terribles d’Aidôneus, tant j’ai enduré d’affreuses douleurs pour l’enfanter ! Et, maintenant, il accomplit au loin un nouveau travail, et je ne sais, malheureuse, si je le recevrai encore ici victorieux ou vaincu. Et voici qu’un mauvais songe m’a épouvantée pendant le doux sommeil, et je crains avec véhémence, grâce à cette funeste vision, qu’un malheur ne menace mes enfants. En effet, mon fils Hèraklès a été vu par moi tenant une bêche entre ses mains, avec laquelle il creusait, comme on ferait pour un salaire, une grande fosse à l’extrémité d’un champ fertile ; et il était nu, sans manteau et sans tunique. Ayant achevé ce travail qui servait d’enclos à une vigne, il planta alors la bêche sur le haut du talus et se couvrit de ses vêtements. Et voici que, brusquement, un feu inextinguible jaillit de la fosse profonde, et la flamme immense roulait autour de lui. Il reculait à pas rapides, et, désirant fuir la force terrible de Hèphaistos, il agitait la bêche devant lui comme un bouclier, et de ses yeux il regardait çà et là, afin que le feu cruel ne le brûlât point. Et il me sembla que le magnanime Iphiklès, désirant le secourir, était tombé avant d’arriver jusqu’à lui, et qu’il ne pouvait se relever, mais qu’il restait immobile par terre, comme un vieillard débile que la cruelle décrépitude a fait tomber et qui reste forcément étendu sur le sol jusqu’à ce que, plein de respect pour sa barbe blanche, quelque passant le relève de la main. Ainsi le