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cher qu’il a dans sa poitrine. Et toi, comme si tu répandais de l’eau, tu pleures pendant toutes les nuits et tous les jours de Zeus. Aucun de mes proches n’est ici pour me réjouir, car ils habitent tous au loin, par delà l’Isthme couvert de pins, et il n’en est aucun vers qui je puisse, femme malheureuse, me retourner pour consoler mon cher cœur, si ce n’est ma sœur Pyrrha ; mais elle aussi est accablée de douleur à cause de son époux lphiklès, ton fils ; car tous les enfants que tu as conçus, soit d’un Dieu, soit d’un homme, sont les plus malheureux, je pense.

Elle parla ainsi, et de chaudes larmes coulaient de ses paupières sur ses joues et jusque dans son beau sein, tandis qu’elle se souvenait de ses enfants et de ses parents. Et Alkmèna, arrosant aussi de larmes ses pâles joues, gémissait dans son cœur. Et elle dit ces sages paroles à sa chère belle-fille :

— Ô malheureuse dans tes enfants ! Pourquoi ton esprit se souvient-il si tristement ! Pourquoi veux-tu nous désoler toutes deux en rappelant ces douleurs intolérables ? Ce n’est pas pour la première fois que nous les pleurons. Ce que nous souffrons de jour en jour ne suffit-il pas ? Il serait plein du désir de pleurer, celui qui voudrait compter tous nos maux. Mais reprends courage ; c’est d’un Dieu que nous vient une telle destinée ; car je te vois, chère fille, accablée aussi d’une grande douleur, et je te pardonne de gémir, puisqu’on se rassasie même de joie. Je te plains et j’ai profondément pitié de toi, parce que tu partages la triste destinée qui pèse sur nos têtes. Mais que Perséphona et Dèmètèr au beau péplos le sachent ! Et puissent-elles châtier cruellement ceux qui se parjurent ! Tu es aussi chère à mon cœur que si tu étais sortie de mon sein et que si tu étais dans