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Commencez, Muses Sikéliennes, commencez le chant funèbre.

Ô Biôn ! toutes les cités illustres, toutes les villes te pleurent ; Askra te pleure bien plus qu’elle n’a pleuré Hèsiodos ; les forêts Boiôtides te regrettent plus qu’elles n’ont regretté Pindaros ; Lesbos bien fortifiée a moins regretté Alkaios ; la ville de Kèios a moins pleuré son aoide ; Paros te regrette plus qu’Arkhilokhos ; Mitylana répète tes vers plus que ceux de Sapphô. Tous ceux que les Muses ont doués du doux génie bucolique te pleurent ; Sikélidas, qui illustre Samos, est plein de tristesse, et Théokritos parmi les Syracusains ; et moi, je chante la douleur ausonienne, moi à qui les choses bucoliques ne sont point étrangères, que tu enseignas à tes disciples, héritiers de la Muse Dôrienne, nous réservant cet honneur, à d’autres tes richesses et à moi le chant.

Commencez, Muses Sikéliennes, commencez le chant funèbre.

Hélas ! hélas ! Les mauves ont péri dans le jardin, et l’ache verdoyante et l’anet fleuri et crépu ; mais ils renaîtront et revivront une autre année, tandis que nous, grands, forts et sages que nous puissions être, une fois morts, nous dormons, obscurs dans la terre creuse, un long sommeil sans fin et sans réveil ! Et toi aussi tu seras enfermé dans le silence de la terre. Certes, il plaît aux Muses que la grenouille chante toujours, mais je ne l’envie pas, car son chant n’est pas agréable.

Commencez, Muses Sikéliennes, commencez le chant funèbre.

Le poison est venu, ô Biôn, jusqu’à ta bouche ; tu as goûté le poison ! Comment est-il arrivé jusqu’à tes lèvres sans s’adoucir ? Quel homme cruel a pu le mêler et te l’offrir sans écouter tes chants ?