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Il lui semblait voir deux continents se quereller pour elle. L’un était l’Asia et l’autre la terre située en face. Elles étaient comme deux femmes. La première semblait une étrangère et l’autre une indigène, et celle-ci réclamait Eurôpéia pour sa fille, disant qu’elle l’avait conçue et nourrie ; mais la première, saisissant la vierge avec ses fortes mains, l’entraînait, non contre son gré, et disait que la Moire et Zeus tempétueux lui avaient accordé Eurôpéia.

Et celle-ci sauta hors de son lit, frappée de crainte et le cœur palpitant, car ce songe lui semblait une réalité. Et longtemps elle resta assise et muette. En effet, elle avait ces deux femmes dans ses yeux ouverts. Et la vierge. après un long silence, éleva la voix :

— Qui d’entre les Ouraniens m’a montré ces spectres ? Quels songes m’ont effrayée, tandis que je dormais doucement sur mon lit dans les demeures ? Quelle est cette Étrangère que j’ai vue en dormant ? Combien son amour m’a troublé le cœur ! Qu’elle m’a accueillie tendrement ! Elle me regardait comme si j’étais sa fille ! Puissent les Bienheureux me renvoyer ce doux songe !

Ayant ainsi parlé, elle se leva et appela ses chères compagnes, du même âge qu’elle, nobles et bien-aimées, avec qui elle jouait toujours, soit qu’elle formât des chœurs dansants, ou qu’elle baignât son corps aux embouchures de l’Anauros, ou qu’elle cueillît des lis odorants dans la prairie. Et, aussitôt, elles arrivèrent ; et chacune tenait à la main une corbeille à mettre des fleurs. Et elles allèrent dans la prairie, au bord de la mer, là où elles avaient coutume de se réunir, se réjouissant de la vue des roses et du bruit des flots. Mais Eurôpéia portait une corbeille d’or, admirable, ouvrage grand et merveilleux de Hèphaistos, qui l’avait donnée à Libyè quand celle-ci monta