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IDYLLE XXIX



L’Amitié.



Ô cher enfant, on dit que le vin et la vérité sont une même chose. Nous sommes ivres, soyons vrais. Pour moi, je dirai tout ce que j’ai dans le cœur. Tu ne veux pas m’aimer entièrement, je le sais, car ta présence est la moitié de ma vie, et le reste est perdu. Quand tu le veux, je passe un jour égal à ceux des Bienheureux ; quand tu ne veux pas, je reste plongé dans la nuit. Cela est-il juste ? Pourquoi livres-tu au chagrin celui qui t’aime ? Si tu te laissais persuader par moi qui suis le plus âgé, tu me remercierais, car tu en serais plus heureux. Bâtis sur un seul arbre un seul nid où n’atteigne aucun ennemi. Mais non, aujourd’hui tu choisis une branche et demain une autre, puis une autre, et toujours ainsi. Lorsque quelqu’un loue ton beau visage, tu l’aimes comme s’il était ton ami depuis trois ans, et tu traites le plus vieux de tes amis comme s’il ne l’était que depuis trois jours. Tu recherches ceux qui flattent ton orgueil. N’aime plutôt que tes égaux, tant que tu vivras, car c’est ainsi que tu seras estimé par les habitants de la ville, et que tu te rendras Érôs propice, Érôs qui dompte aisément les cœurs des hommes et qui m’a amolli, moi qui étais de fer. Je te supplie, par ta belle bouche, de te souvenir