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t’offrir mon dernier présent, ce lacet ! Je ne veux plus, enfant, te déplaire et t’irriter ; je vais où tu me condamnes à rne rendre, là où est l’oubli, ce remède commun des maux de ceux qui aiment ; mais, dussé-je le boire tout entier, je n’éteindrais pas encore mon désir. Je ne viens à ta porte que pour te dire adieu.

Je connais l’avenir. La rose est belle, mais le temps la fiétrit ; la violette printanière est belle, mais elle passe vite ; le lis est blanc, mais il se fane quand il est tombé ; la neige est blanche, mais elle fond après la gelée. La beauté de l’enfance est belle aussi, mais elle dure peu ; et l’heure viendra où, toi aussi, tu aimeras, et où, le cœur consumé, tu pleureras des pleurs amers. Enfant ! fais du moins, une fois, la dernière ! une chose qui me soit douce. Quand tu sortiras et quand tu me verras, malheureux, pendu à ta porte, ne passe point avec dédain : arrête, pleure une seule larme, détache moi de la corde, enveloppe-moi de tes propres vêtements, et qu’étant mort je reçoive un dernier baiser de toi ! N’aie point peur : tu ne me feras point revivre en m’embrassant. Creuse-moi un tombeau où s’ensevelira mon amour ; et, en partant, appelle et dis trois fois : — Repose, ami ! — ou, si tu veux, ajoute : — J’ai perdu celui qui m’aimait ! — Écris ces mots que j’inscris sur ton mur : — Érôs a tué celui qui est là. Voyageur, arrête et dis : — Il avait un ami cruel.

Ayant ainsi parlé, il apporta une pierre qu’il appuya du seuil contre le mur. Au-dessus, il attacha une corde mince, mit son cou dans le nœud coulant, et, repoussant la pierre du pied, il resta pendu et mort. L’Ephabe ouvrit sa porte et vit le mort pendu à son seuil, et son âme ne fut point brisée, et il ne pleura point ce malheur récent, et ses vêtements d’Ephabe furent souillés en tou-