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IDYLLE XXIII



L’Amant ou l’Insensible.



Un homme très-amoureux aimait un Ephabe farouche, charmant à voir, mais d’un caractère dur, car il haïssait celui qui l’aimait, et il le dédaignait. Il ne connaissait pas Érôs ; il ne savait pas quel Dieu c’était, ni de quel arc dompteur il lance sur les jeunes hommes des flèches amères. Toujours inexorable en paroles et en actions, il n’apaisait le feu qu’il avait allumé, ni par un sourire de ses lèvres, ni par l’éclat d’un regard, ni par la rougeur de ses joues, ni par une parole, ni par un baiser qui allège le poids de l’amour. Comme la bête des forêts évite les chasseurs, de même il agissait en face de celui-là ; et, quand il le rencontrait, ses lèvres étaient contractées, ses regards terribles, et la pâleur de la colère couvrait son visage. Mais il n’en était pas moins beau, et sa colère excitait le désir de l’amant. Enfin, ce dernier ne put supporter cette grande ardeur de Kythéréia, et, venu devant cette demeure inexorable dont il baisa le seuil, il pleura et parla ainsi :

— Enfant farouche et dur, nourrisson d’une bonne féroce, enfant fait de marbre et indigne d’amour, je viens