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Dieu m’a-t-il tout à coup transformé ? J’avais, ce me semble, quelque beauté qui fleurissait sur mes joues comme le lierre sur l’arbre. Mes cheveux descendaient de mes tempes, semblables à du persil, et mon front était blanc audessus de mes sourcils noirs. Mes yeux étincelaient comme ceux de la claire Athana. Ma bouche n’était-elle pas comme du lait caillé ? Et ma voix n’était-elle pas aussi douce que le miel de la ruche ? Il est agréable de m’entendre lorsque je joue de la syrinx, ou de la flûte, ou du roseau, ou de la flûte oblique. Sur la montagne, toutes les femmes disent que je suis beau, et toutes consentent à m’embrasser ; et cette citadine n’en a voulu rien faire, et elle s’en est allee sans m’écouter, parce que je suis bouvier ! Mais elle n’a donc pas appris que Kypris se passionna pour un bouvier, qu’elle fit paître les bœufs dans les montagnes des Phrygiens, qu’elle embrassa Adônis et qu’elle le pleura dans les bois ? Endymiôn n’était-il pas un bouvier ? Cependant Sélana l’embrassa, bien que bouvier ; et, descendue de l’Olympos, elle vint dormir avec lui dans la forêt de Latmos. Et toi, Rhéa, tu pleures un bouvier ! Et toi aussi, ô fils de Kronos, tu poursuivis, changé en oiseau, un enfant qui paissait les bœufs !

Seule, Euneika n’aura point embrassé de bouvier, plus puissante que Kybala et que Sélana. Eh bien, ô Kypris, puisses-tu ne plus embrasser d’Arès ni à la ville, ni sur la montagne, et dormir seule toutes les nuits !