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IDYLLE XX



Le Bouvier.



Euneika s’est moquée de moi, quand j’ai voulu l’embrasser amoureusement ; elle m’a insulté et m’a dit : — Va-t’en loin de moi ! Tu veux me donner un baiser, malheureux, et tu es bouvier ! Je ne sais pas embrasser des campagnards, et je ne touche que des lèvres de citadins. Même en songe, puisses-tu ne jamais baiser ma belle bouche ! Quel regard ! Comme tu par les bien ! Quelles plaisanteries grossières l Comme tu me nommes gracieusement ! Que tu as d’aimables paroles ! Que ta barbe est douce et que ta chevelure est belle ! Tes lèvres sont malades, tes mains sont noires, tu sens mauvais ; va-t’en l tu me souillerais.

Après avoir dit cela, elle cracha trois fois dans son sein, me regarda de travers et de la tête aux pieds avec une moue de dédain, et, fière de sa beauté, me jeta un éclat de rire moqueur et orgueilleux. Et aussitôt mon sang bouillonna, et je devins rouge de dépit, comme la rose sous la rosée. Puis elle partit, me laissant là ; et j’ai le cœur plein de colère, parce qu’une mauvaise prostituée s’est moquée de moi qui suis beau.

Pasteurs, dites-moi la vérité : ne suis-je pas beau ? Un