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une part, et ils en font une autre part aux Aoides ; ils donnent beaucoup à tous les autres hommes ; ils offrent des sacrifices aux Dieux, ils sont hospitaliers, ils accueillent généreusement les étrangers à leur table, et les laissent partir quand ils le veulent. Mais surtout ils honorent les Interprètes des Muses, afin que, même dans le Hadès, on loue leur vertu, et qu’ils ne gémissant pas sans gloire sur les rives du froid Akhérôn, pareils au misérable dont la houe a durci les mains et qui pleure une pauvreté héritée de ses pères.

De nombreux serviteurs recevaient tous les mois leur nourriture dans les demeures d’Antiokhos et du Roi Aleua ; une grande multitude de vaches cornues et de veaux revenait en mugissant vers les étables des Skopades, et les bergers des hospitaliers Kraônides faisaient paître des milliers de grasses brebis dans la plaine de Kranon ; mais ils ne iouirent pas plus longtemps de ces biens, quand leur âme fut tombée dans la barque vaste du morne Akhérôn ; et, privés de ces richesses nombreuses, pendant de longs siècles, ils eussent dormi, oubliés parmi les morts obscurs, si l’Aoide de Khios, chantant des hymnes variés sur sa lyre aux nombreuses cordes, ne les eût illustrés parmi les hommes nés après eux, et n’eût célébré les rapides chevaux eux-mêmes qui leur avaient rapporté les couronnes conquises aux luttes sacrées.

Et qui donc aurait gamais connu les chefs Lykiens, et les Priamides chevelus, et Kyknos blanc comme une femme, si les Aoides n’avaient chanté les guerres des anciens ? Odysseus, qui erra cent vingt mois parmi les hommes, et qui descendit vivant dans le Hadès après s’être échappé de l’antre du Kyklôps meurtrier, n’aurait pas eu de gloire durable ; Eumaios, le gardien des porcs, eût été