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On me l’avait bien dit une fois tout bas à l’oreille ; mais, malgré ma barbe d’homme, je n’en cherchai pas plus long. Déjà nous étions ivres tous quatre ; et l’homme de Larissa, le méchant esprit, se mit à chanter, avec des plaisanteries de Thessalien, toute l’histoire de Lykos ; et aussitôt, Kyniska de pleurer en sanglotant, comme une fille de six ans qui veut monter sur les genoux de sa mère. Alors, — tu me connais, Thyônikhos ? — Je lui appliquai une paire de soufflets sur les joues. Là-dessus, elle releva son péplos et s’enfuit au plus vite. — Malheur de ma vie ! Je te déplais ! Il t’est plus doux d’en avoir un autre dans tes bras ! Va réchauffer celui pour qui tes larmes tombent, grosses comme des pommes ! — Quand l’hirondelle a donné la pâture à ses petits cachés sous le rebord du toit, elle retourne en hâte pour en ramasser de nouveau. Kyniska, plus prompte encore, quitta son siége, traversa le vestibule et passa la porte à deux battants. Un proverbe dit : — Le Kentaure s’en est allé à travers la forêt. — Il y a de cela vingt jours, huit autres, puis neuf, puis dix, et voici le onzième ; ajoute-s-en deux, et il y aura deux mois que nous sommes séparés et que je ne me suis pas même rasé, à la façon des Thrakiens. Maintenant, c’est Lykos qui est tout pour elle ; c’est à Lykos qu’elle ouvre la porte la nuit. Quant à moi, je ne compte plus pour rien, et je ne suis pas plus considéré qu’un malheureux Mégarien ! Si je n’aimais plus, tout serait au mieux ; mais comment faire ? Le rat, comme on dit, Thyônikhos, s’est pris dans la poix ! Je ne sais aucun remède à un amour invincible, si ce n’est que Simos, du même âge que moi, et qui aimait la fille d’Épikhalkos, ayant passé la mer, est revenu guéri. Moi aussi, je passerai la mer, et je serais stéatiôte, un stéatiôte passable, ni le premier, ni le pire.