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Et, après Daphnis, Damoitas commença de bien chanter.

damoitas.

— Je l’ai vue, oui, par Pan ! je l’ai vue, lorsqu’elle frappait mon troupeau. Elle n’a point échappé à mon œil unique qui m’est cher et à l’aide duquel je verrai jusqu’à la mort. Puissent les calamités prédites par le divinateur Tèlémos retomber sur lui et sur ses enfants !

Mais je veux l’agacer aussi, et je ne la regarde plus, et je dis que j’aime une autre femme. Elle m’entend et devient jalouse, ô Paian ! Elle se dessèche et sort furieuse de la mer, et fixe les yeux sur mon autre et sur mes troupeaux. J’ai tout bas excité ma chienne contre elle ; car, du temps que je l’aimais, celle-ci poussait de petits cris en allongeant le museau sur ses genoux. Peut-être, voyant que je persévère, m’enverra-t-elle un messager ; mais je lui fermerai ma porte, jusqu’à ce qu’elle jure de nous dresser un beau lit nuptial dans cette Île.

Je ne suis pas, en effet, aussi laid qu’on le dit. Certes, je me regardais dernièrement dans la mer calme, et ma barbe me parut belle, et belle aussi mon unique prunelle ; et je vis que mes dents éclatantes étaient plus blanches que la pierre de Paros. Et, pour n’être pas fasciné, je crachai trois fois dans mon sein, comme me l’a enseigné la vieille Kotyttaris, qui, récemment, chantait chez Hippokoôn avec les moissonneuses.

Damoitas, ayant ainsi chanté, embrassa Daphnis. Et il lui donna une syrinx et en reçut une belle flûte. Damoitas joua de la flûte, et le bouvier Daphnis joua de la syrinx ; et les génisses dansèrent sur l’épais gazon. Nul d’entre eux n’avait vaincu : tous deux étaient invincibles.