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antiques, et vous avez arraché cet homme de mes mains ! Et moi, couverte d’opprobre, méprisée, misérable, enflammée de colère, ô douleur ! je vais répandre goutte à goutte sur le sol le poison de mon cœur, terrible à cette terre. Ni feuilles, ni fécondité ! Ô Justice, te ruant sur cette terre, tu mettras partout les souillures du mal ? Gémirai-je ? Que devenir ? que faire ? Je subis des peines qui seront funestes aux Athènaiens ! Les malheureuses Filles de la Nuit sont grandement outragées ; elles gémissent de la honte qui les couvre !

ATHÈNA.

Vous n’êtes point dépouillées de vos honneurs, et, Déesses irritées, dans l’amertume de votre colère, vous ne rendrez pas stérile la terre des hommes. Et moi, ne suis-je pas certaine de Zeus ? Mais qu’ai-je besoin de paroles ? Seule, entre les Dieux, je connais les clefs des demeures où la foudre est enfermée. Cependant, je n’ai que faire de la foudre. Tu m’obéiras et tu ne lanceras point sur la terre les imprécations funestes qui amènent la destruction de toutes choses. Calme la violente colère des flots noirs de ton cœur, et tu habiteras avec moi, et tu seras pieusement honorée comme moi. Les riches prémices de ce pays te seront offerts, dans les sacrifices, pour les enfantements et les noces ; et, désormais, tu me remercieras de mes paroles.

LE CHŒUR DES EUMÉNIDES.

Moi ! subir cela ! Moi, l’antique Sagesse, habiter, méprisée, sur la terre ! ô honte ! Je respire la colère et la violence ! hélas ! ô Dieux ! ô terre ! ô douleur ! Quelle