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frémit. Le noir abîme souterrain du Hadès tremble. Les sources des Fleuves au cours sacré pleurent sur ce supplice lamentable !

promètheus.

Ne croyez pas que je me taise par mépris ou par insolence ; mais je me mords le cœur en pensée, quand je me vois aussi outrageusement torturé. Pourtant, quel autre que moi a distribué leurs honneurs à ces Dieux nouveaux ? Mais je me tais sur ceci. Je ne vous dirais que ce que vous savez. Apprenez plutôt les maux qui étaient parmi les Vivants, pleins d’ignorance autrefois, et que j’ai rendus sages et doués d’intelligence. Non que je leur reproche rien, mais, en parlant de ce que je leur ai donné, je prouve mon amour pour eux.

Au commencement, ils regardaient en vain et ne voyaient pas ; ils écoutaient et n’entendaient pas. Pendant un long espace de temps, semblables aux images des songes, ils confondaient aveuglément toutes choses. Ils ne connaissaient ni les maisons faites de briques et exposées au soleil, ni la charpente. Ils habitaient sous terre au fond des ténébreux réduits des antres, comme les fourmis longues et minces. Ils ne savaient rien, ni de l’hiver ni du printemps fleuri, ni de l’été fructueux. Ils vivaient sans penser, jusqu’au jour où je leur enseignai le lever certain des astres et leur coucher irrégulier. Pour eux je trouvai le Nombre, la plus ingénieuse des choses, et l’arrangement des lettres, et la mémoire mère des Muses. Le premier, j’unis sous le joug les animaux destinés à servir, afin qu’ils pussent remplacer les hommes dans les plus rudes travaux. Je conduisis au char les chevaux porteurs de freins, ornements des riches. Nul que moi ne trouva ces autres chars des navigateurs, fendant