Page:Leconte de Lisle - Eschyle (Lemerre, 1872).djvu/215

Cette page a été validée par deux contributeurs.

nait dans le moment. De quelle façon, en effet, préparer la perte de celui qu’on hait et qu’on semble aimer, afin de l’envelopper dans un filet dont il ne puisse se dégager ? À la vérité, il y a bien longtemps que je songe à livrer ce combat. J’ai tardé, mais le temps est venu. Me voici debout, je l’ai frappé, la chose est faite. Certes, je n’ai point agi avant qu’il ne lui fût impossible de se défendre contre la mort et de l’éviter. Je l’ai enveloppé entièrement d’un filet sans issue, à prendre les poissons, d’un voile très-riche, mais mortel. Je l’ai frappé deux fois, et il a poussé deux cris, et ses forces ont été rompues, et, une fois tombé, je l’ai frappé d’un troisième coup, et le Hadès, gardien des morts, s’en est réjoui ! C’est ainsi qu’en tombant il a rendu l’âme. En râlant, il m’a arrosée d’un jaillissement de sa blessure, noire et sanglante rosée, non moins douce pour moi que ne l’est la pluie de Zeus pour les moissons, quand l’épi ouvre l’enveloppe. Voici où en sont les choses, Vieillards Argiens qui êtes ici. Réjouissez-vous, si cela vous plaît ; moi, je m’applaudis. S’il était convenable de faire des libations sur un mort, certes, on pourrait en faire à bon droit sur celui-ci. Il avait empli le kratèr de cette maison de crimes exécrables, et lui-même y a bu à son retour.

Le Chœur des Vieillards.

J’admire l’insolence de ta langue. Tu te glorifies de parler ainsi de ton mari !

Klytaimnestra.

Tu me prends pour une femme irrésolue, et moi, je vous le dis, d’un cœur inébranlable, afin que vous le