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félicité d’autrui. Je dis cela, le sachant, car j’ai bien connu le miroir de l’amitié, cette ombre d’une ombre chez tous ceux qui semblaient être mes amis. Le seul Odysseus, qui n’avait point pris la mer volontiers, une fois lié au joug avec moi, m’a été un solide compagnon. Je le dis de lui, qu’il soit mort ou vivant. Pour le reste, ce qui concerne la Ville et les Dieux, nous en délibérerons en commun dans l’Agora. Nous ferons que les bonnes choses restent ce qu’elles sont et durent ; mais s’il en est qui demandent des remèdes, nous tenterons de guérir le mal avec sagesse, en coupant et en brûlant. Maintenant, entré dans mes demeures, près de mon foyer, j’élèverai mes mains vers les Dieux qui m’ont ramené de si loin dans ma maison. Que la Victoire, qui m’a suivi jusqu’à ce jour, reste à jamais avec moi !

Klytaimnestra.

Hommes de la cité, vieillards Argiens, qui êtes ici, je n’ai plus honte de révéler devant vous mon amour pour mon mari. La honte disparaît avec le temps du cœur des hommes. Je ne répéterai point ce que d’autres ont ressenti, en racontant ma vie malheureuse pendant les longues années qu’il a passées à Ilios. Et d’abord, c’est un grand malheur pour une femme de rester seule dans sa demeure, loin de son mari. Elle entend d’innombrables rumeurs funestes qui lui apportent une nouvelle sinistre, et, après celle-ci, une autre pire encore. Si le Roi avait reçu autant de blessures que la renommée le racontait dans cette demeure, il serait plus percé qu’un filet. S’il était mort autant de fois qu’on en a répandu le bruit, il