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larmes d’une amitié feinte. Pour moi, je ne te le cacherai point, quand tu entraînais l’armée pour la cause de Hèléna, je t’ai cru insensé, pensant qu’il n’était point sage de conduire malgré eux les hommes à la mort. Maintenant, victorieux, c’est du fond de leur cœur et avec une joie sincère qu’ils songent à leurs maux. Tu sauras, plus tard, qui a bien ou mal agi, parmi les citoyens qui sont dans la Ville.

Agamemnôn.

Avant tout, il faut saluer Argos et les dieux de la patrie qui, me venant en aide, ont amené mon retour et la juste vengeance que j’ai tirée de la ville de Priamos. Les Dieux n’ont point débattu la cause. Tous, unanimement, ont décrété, en déposant leurs suffrages dans l’urne sanglante, la ruine d’Ilios et le carnage de ses guerriers. L’espérance est restée dans l’autre urne où nul n’a mis la main. Maintenant, c’est par la fumée qu’on reconnaît la ville détruite. Les tempêtes de la ruine y grondent victorieuses, et la cendre mouvante y exhale les vapeurs d’une antique richesse. C’est pour cela qu’il faut élever des actions de grâces vers les Dieux. Nous avons tendu des rets inévitables, et, pour la cause d’une femme, le monstre Argien, fils du cheval, a détruit la ville. Tout un peuple porte-bouclier, au coucher des Pléiades, s’est rué d’un bond. Le lion affamé a franchi les murailles, et il a bu à satiété le sang royal. Je devais avant tout parler ainsi des Dieux, mais je me souviens de tes paroles et je dis comme toi : Il est accordé à peu d’hommes de ne point envier un ami heureux. Un poison envahit le cœur de l’envieux. Sa souffrance en est doublée, et il gémit accablé de ses propres maux, quand il voit la