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la mélodie incarnée


GEORGE.

Ils ne prononcèrent pas un mot, que je sache ; et pourtant ils s’entretinrent durant bien des heures.

CARL.

Tu te moques de nous, maître George !

GEORGE, avec une feinte indignation.

Qu’ai-je entendu ? Est-ce bien un enfant de la vieille Allemagne qui ose parler ainsi ? Quoi ! le rire amer du scepticisme gaulois a-t-il donc desséché dans ton cœur les germes sacrés de l’idéal ! Ô Carl ! mon ami, qu’as-tu dit ?

CARL.

Ma foi ! je n’ai rien dit que de fort raisonnable.

GEORGE.

Raisonnable ! Qu’est-ce que c’est que cela ? Écoute ce que dit Schiller : « Le sublime jette la discorde entre la raison et le sentiment, et il puise dans cette lutte même son invincible attrait. L’homme physique et l’homme intellectuel se séparent ici de la façon la plus nette, car les objets qui éveillent, dans le premier, le sentiment de sa faiblesse,