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la mélodie incarnée

à leur narrer les excentricités qui suivent. — Samuel avait créé une mélodie dont il développait amoureusement le motif. — Tout d’abord, le soleil s’y leva avec deux dièses à la clé, en trois mesures brillantes, aspergées de notes d’agrément en guise de rosée ; le vent souffla en trilles et se bémolisa mélancoliquement dans les feuilles agitées de doubles croches. Bref, toute la scène du matin s’élança, fraîche et radieuse, du stradivarius poudreux de Samuel. — Il faisait très noir dans la chambre ; la rue était silencieuse et les voisins dormaient ; mais bientôt Samuel aperçut vaguement un petit point lumineux flotter autour de lui, procédant d’abord par éclipses totales, puis augmentant d’intensité et de grandeur. Au premier moment, cela ne l’occupa guère, absorbé qu’il était par sa composition ; mais à la fin sa surprise et son effroi devinrent tels qu’il cessa de jouer, et resta les yeux grands ouverts, pâle et tremblant : sa mélodie était là, debout devant lui, belle, lumineuse et vivante !

JACQUES.

Rien de plus naturel.

CARL.

C’est tout simple.