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le songe d’hermann

dans ton cœur ; ma présence invisible t’agite. Oh ! vois si je t’aime ! Mon souffle est bien celui d’un homme endormi, et pourtant il chante à ton oreille comme une voix tendre et persuasive, comme un écho mélodieux de notre doux matin ! Alice, Alice, je rêve de nos jeunes félicités, nulle parole ne s’échappe de mes lèvres closes, et pourtant n’as-tu pas entendu ton nom chastement murmuré dans le repos de la nuit ? C’est Hermann qui te parle et qui t’aime !

ALICE.

Ô jeunesse naïve et sublime, ô cher printemps des espérances fleuries ! pourquoi me bercez-vous ainsi de vos images enchanteresses ? Hermann est parti, reviendra-t-il jamais ? Et s’il revenait, m’aimerait-il encore ? Hélas ! que d’amours ont dû passer dans son cœur ! Que de joies étrangères ont effacé de son âme le souvenir lointain d’Alice ! Je m’imagine parfois qu’il est là, près de moi, invisible et présent tout ensemble. Je suis follement agitée. (Un silence.) Je vais partir. Si mon père venait à s’apercevoir de mon absence !... La nuit est fort avancée, j’aurais froid peut-être ; il faut rentrer.

HERMANN, s’éveillant.

Il fait nuit encore. J’ai fait un rêve singulier : il m’a semblé revoir, belle et grande, la petite Alice d’autrefois ! Alice !