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le songe d’hermann


LE SONGE D’HERMANN.

Alice, un jour je partis pour la ville éloignée : je quittai le toit natal et l’amour de mes jeunes années pour apprendre à vivre en homme. Hélas ! que sais-je aujourd’hui qui vaille les beaux jours de mon bonheur passé ? Nous nous embrassâmes longtemps, des larmes plein les yeux, des sanglots plein le cœur, et je ne t’ai plus revue durant dix années ! et durant dix années, même à mon insu, ton image est restée en moi toujours vivante et toujours adorée ; et alors comme aujourd’hui, enfant charmante et belle jeune fille, je t’ai aimée, je t’aime encore ! Alice, Alice, n’as-tu point oublié Hermann ?

ALICE.

Oh ! oui, c’était mon compagnon favori, je me le rappelle bien maintenant ! Il avait une figure fière et pensive, quoique tout jeune ; ses yeux étaient bleus comme les miens ; son sourire était grave et mélancolique, même au milieu de nos plus grandes joies. Il m’aimait beaucoup et je l’aimais aussi... Il me semble que je l’aime encore !

LE SONGE D’HERMANN.

Alice, je suis revenu vers toi, me voici. Mon souvenir renaît