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le songe d’hermann

une heure ou deux : la nuit avance, et je veux arriver de bonne heure. (Il s’endort.)


III

Entre Alice. — Hermann et Siegel endormis.


ALICE.

J’étouffais dans ma petite chambre ; une agitation inaccoutumée troublait mon sommeil. Qu’il fait bon ici ! J’ai bien fait de sortir ; il n’est pas encore très tard, la route passe loin de la rivière et nul au monde ne me verra. (Elle s’assied sur le bord de l’eau.)

La nuit est pleine de silence, et pourtant on dirait que tout parle autour de moi dans une langue dont les mots m’échappent, mais dont le sens est rempli de charme. Petites créatures cachées sous l’herbe humide, est-ce là votre voix ? Gnomes moqueurs, est-ce votre rire qui résonne si harmonieusement à mon oreille ? Répondez-moi, esprits charmants des belles nuits ; j’aime vos paroles mystérieuses ; je rêve souvent de vos formes invisibles, et je voudrais suivre vos courses parfumées, alors que vous vous égarez dans les feuilles des roses et dans le cœur des jeunes filles !