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le songe d’hermann

II


Il fait nuit ; — la lune monte dans le ciel.


HERMANN.

Voilà donc le coin de terre où je suis né ! — Je l’ai quitté bien enfant ; mais je m’en souviens toujours. — Je vois d’ici la maison de mon père toute tapissée de treilles et de roses, — le grand banc de pierre à gauche de la porte et la petite baie que formait la rivière à quelques pas sur la droite. — Étais-je heureux alors ? l’étais-je plus qu’aujourd’hui ? hélas ! je le crains. — Demain, je reverrai les choses chères que j’ai quittées durant tant de jours peut-être stériles. Ô doux pays ! ô maison paternelle, si vous ne deviez plus reconnaître celui qui revient à vous ! Laissez-moi m’agenouiller devant votre souvenir, devant cet humble toit où je fus heureux, ignorant le bonheur ! Je le vois toujours, caché aux regards des indifférents, à l’ombre des grands arbres qui abritèrent tant de fois le petit vagabond aux pieds nus, qui courait dans la rosée, cherchant les fleurs les plus belles et les fruits les plus éclatants. Je vois encore le vieil étang où j’aimais à suivre mon image inquiète, tout en écoutant les bruits mélodieux qui