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une peau de tigre


— Sylphe, ordonna lady Edith, donnez-moi ce livre.

Sylphe était un jeune Hottentot de seize à dix-huit ans, qui pouvait bien avoir trois pieds de large sur deux d’élévation. La couleur de sa peau était violemment soupçonnée d’approcher du bistre le plus pur, et ses lèvres ambitieuses, tout en envahissant ses larges joues, couvraient une très grande partie de ses narines écrasées. Bref, Sylphe était très laid et très heureux d’ignorer qu’il portait une sanglante ironie pour nom. Il remit à sa maîtresse le livre demandé et sortit. Celle-ci feuilleta quelque temps avec négligence et finit par lire ces quelques mots :


À Mademoiselle A. L. de L.


Ô brises qui venez des cieux !
Et qui riez sur toutes choses !
De vos baisers capricieux
Pourquoi ravir l’encens des roses ?

N’est-il plus de célestes eaux ?
Votre coupe est-elle épuisée,
Que dans nos fleurs, divins oiseaux,
Vous vous abreuviez de rosée ?