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la princesse yaso'da


— Pourquoi ris-tu de mon mal, ami de Tamaya ?

— Tu vas le savoir, fille du saint roi.

Ce disant, ils atteignirent les rochers où pleuvent les neiges éternelles. Là le démon s’était bâti une caverne de glace. Il déposa la belle Yaso’da dans la caverne, et soufflant autour d’elle une haleine tiède pour l’empêcher de mourir, il lui dit :

— Yaso’da, fille de Satyavrata, perle du monde, tu ne reverras jamais ni ton père ni ton amant.

À ces mots la vierge poussa un grand cri et s’évanouit. — Le démon la rendit à la vie et reprit :

— Tu seras la femme du démon Hyayagriva qui règne sur les neiges du Jougando.

À ces paroles, la vierge poussa un second cri et s’évanouit de nouveau ; mais le démon la ranima encore, et, l’enfermant dans la caverne, il s’envola dans l’air noir à travers les flots de la neige qui tombait de toutes parts dans la solitude.

La destinée des hommes et des femmes est dure. — Qu’elle est dure, la destinée des hommes et des femmes — En sera-t-il toujours ainsi ? — Il y a des sages qui disent non. — Mais qui peut lire dans le cœur de Brahma ? — Ce sont ceux qui se confondent avec l’essence de ce qui est.

Donc, pendant ce temps, Tamaya, le jeune guerrier, chassait le tigre dans les gorges du Zetchiavala. Il était triste et