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la princesse yaso'da

enlevée, récitait les Gayatri et se mouillait le nez et les oreilles en l’honneur de Hery, le conservateur de l’univers.

La piété confond la pensée et le cœur dans l’abîme de ce qui est, un et par soi-même. — La piété plonge les justes dans l’essence une et première. — Leurs yeux se ferment alors pour les manifestations visibles et passagères. — Leurs oreilles n’entendent plus rien des bruits sensuels. — Que verraient en effet les justes ? — Qu’entendraient-ils ? — L’abîme de ce qui est, un et par soi-même, est noir, inouï.

Telle est la doctrine des justes : elle est consolante.


Cependant la princesse Yaso’da, assise sur l’aile du démon Hyayagriva, montait dans les ombres croissantes de la nuit. Déjà les dernières ondulations de la montagne étaient franchies, et le démon s’élançait d’un vol direct vers les sommets glacés où il vivait d’habitude.

La vierge royale lui dit alors :

— Ô génie, la neige tombe sur le Jougando ; il fait bien froid.

— Ah, ah, ah ! fit le démon en riant, ceux qui aiment ont-ils jamais froid ?