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XXIII
préface

beautés de la Hollande ou des vierges celtiques. Aussi notre auteur remarque qu’elle a « le nez pointu comme la flèche du désir ».

Ce sont là des éclairs qui traversent l’œuvre entière de Leconte de Lisle, comme ils passaient dans son clair regard, lorsque ayant décoché avec un sourire quelque mot mordant, il laissait tomber son monocle et abaissait ses paupières.

Mais cette ironie n’est pas le seul lien qui unit ces fantaisies en prose et les plus belles d’entre les pièces hindoues des Poèmes antiques, elles ont encore, en commun, l’émotion et la profondeur du sentiment.

Le même railleur qui vient de se moquer du pieux roi occupé à se mouiller les oreilles en l’honneur du Dieu conservateur de l’Univers, se penche, sans vertige, sur l’insondable abîme de la Sagesse hindoue. Son cœur, si vite las, si définitivement épris de repos, aime à s’enivrer de la promesse que les yeux du sage se fermeront sur « les manifestations visibles et passagères, et qu’un jour viendra où ses oreilles n’entendront plus rien des bruits sensuels ».

… « Que verraient en effet les justes ? qu’entendraient-ils ? L’abîme de ce qui est un, et par soi-même est noir, inouï. »

Et Leconte de Lisle ajoute « Telle est la doctrine des Justes. Elle est consolante. »



De pareils traits dépassent le plaisir, qu’au sortir d’une lecture dont son imagination s’est divertie, un écrivain éprouve à donner une première forme aux réflexions ou aux rêveries que le tête-à-tête avec un poème archaïque a suggérées en lui. Elles seront le leit-motiv même de la philosophie de Leconte de Lisle. Elle se dessine ici avec netteté.

Aussi bien ces pages de prose, liminaires de l’œuvre du poète,