Page:Leconte de Lisle - Contes en prose, 1910.djvu/213

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
189
la rivière des songes

le parfait contentement d’un homme qui gagne beaucoup d’argent. Il donna une cordiale poignée de main à Georges, et cédant bientôt au désir de sa fille, s’éloigna avec elle du côté de la maison. Les deux jeunes gens restèrent en présence, — l’un tout entier à l’émotion profonde du premier bonheur, — l’autre sombre et irrité ; — celui-là tout plein d’une bienveillance nouvelle pour l’univers, — celui-ci défiant et tout jaune de bile.

— Monsieur Adams veut-il me faire l’honneur de m’accorder dix minutes d’entretien à quelques pas d’ici ? demanda John Wood.

— Volontiers, monsieur Wood, répondit Georges.

III


Quand les deux jeunes gens eurent fait une centaine de pas en silence dans l’épaisseur du bois, M. John Wood s’arrêta, et, s’adossant contre un palmier, parla ainsi d’un ton funèbre :

— Les jours heureux sont de courte durée, monsieur Adams : le ciel est pur et brillant au matin, mais nul ne sait si l’orage n’assombrira pas le midi.

Georges regarda l’orateur avec attention et se mit à sourire.

— Je ne sais donc trop, continua imperturbablement