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XXI
préface

tion passagère à ces rencontres, aussitôt effacées de sa mémoire. »

Il n’y a pas moyen de ne point penser ici, une fois de plus, à Mlle de Lanux. Et, aussi bien, semble-t-il que ce fut elle, la fille du marquis, qui dédaigna son cousin, le roturier, fils de « petits blancs » comme on nommait alors, à Bourbon, ceux qui ne pouvaient se targuer de rouler du sang bleu dans leurs veines. Sans doute la jeune fille ne pouvait l’oublier : sa mère était quarteronne. Elle se révoltait de la défaveur que ce métissage pouvait jeter sur elle, et d’autre part elle dédaignait les autres blancs de l’île du haut de son marquisat.



Deux dates, 1847-1852, assignent à la nouvelle qui a pour titre La Princesse Yaso’da, sa place critique dans l’œuvre de Leconte de Lisle. Ce fut en 1846 que parurent : L’Introduction à l’Histoire du Boudhisme et l’Histoire poétique de Krischna, publiées et traduites par Burnouf. Leconte de Lisle, que préoccupait déjà le désir d’habiller de poésie l’histoire des religions humaines, fut un des premiers lecteurs de ces magnifiques ouvrages qui lui apparaissaient comme des révélations. Il s’y jeta avec une passion qui donna de l’inquiétude à Sainte-Beuve.

« M. Leconte de Lisle », écrivit en effet le critique dans un de ses feuilletons du Constitutionnel, « a quitté le paysage du midi de l’Europe et fait un pas vers l’Inde ; qu’il ne s’y absorbe pas. »

Le fait est que Leconte de Lisle s’y « absorba » à ce point, qu’en 1852, il publiait, dans le premier recueil de ses vers, plusieurs de ses poèmes indiens[1].

La Princesse Yaso’da, que les lecteurs de la Démocratie pacifique lurent vers la fin de l’année 1847, doit être considérée comme un premier essai, en prose, de ce que l’on a pu nommer la manière hindoue de Leconte de Lisle.

  1. Poèmes antiques.