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la rivière des songes

mortes et plusieurs idiomes. Cela vous distraira. Voulez-vous descendre au salon ?

Cela dit, et sans attendre réponse de sa fille, M. Polwis se retira du même pas alerte.

II


La Croupe-du-Lion est escarpée et aride du côté de la mer, mais ses versants opposés et les étroites vallées qui en découlent sont couverts d’une riche et vigoureuse végétation. M. Polwis possédait une de ces vallées, sur les deux bords d’une large et limpide rivière, peu profonde, et tapissée presque en entier par les belles plantes aquatiques aux immenses feuilles vernissées et aux éclatantes fleurs blanches qui lui donnaient son nom : la Rivière des Songes. La maison de M. Polwis, bâtie et peinte à l’indienne, était entourée d’un épais bois d’arbres d’argent et de nopals. Çà et là, dans les rares clairières qui s’y rencontraient, des palmiers nains et des papayers enlacés de lianes et de buissons de roses, sortaient du milieu des épaisses et sombres mousses du cap, si molles et si fermes à la fois qu’elles se relèvent d’elles-mêmes, sitôt débarrassées du poids qui les foule. Il était huit heures du matin, le soleil commençait à percer d’une clarté plus ar-