Page:Leconte de Lisle - Contes en prose, 1910.djvu/195

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
171
marcie

l’aura pas non plus ! — Job n’a pas eu le temps, maître ! Ah ! mon Dieu, mon Dieu !

Le noir se roula sur le plancher en gémissant, tandis que le marquis, pâle, les bras pendants, s’affaissait sur son fauteuil, sans larmes et sans voix. Mais l’énergie de son caractère prit bientôt le dessus :

— Allons debout ! dit-il rudement à Job : va au triple gatop à l’Étang-Salé, chez M. de Lanoue, le capitaine de la paroisse. Dis-lui tout en deux mots. Je l’attends.

Job sortit précipitamment. Une heure après, les deux cadavres étaient trouvés étendus devant la maison de Fleurimont. Celui-ci était couché sur le dos, la tête presque séparée du tronc, avec un couteau plein de sang à ses côtés. Plus loin, M. de Gaucourt, étendu sur le ventre, avait une profonde blessure entre les épaules. Les faits donnaient raison au récit de Job. L’assassinat du chevalier s’expliquait par la haine que lui portait Fleurimont, et le suicide de ce dernier par le désir d’échapper à une mort infamante.

Nous ne décrirons pas le morne et profond désespoir de Marcie. Sa vie fut longtemps en danger ; mais la jeunesse et l’amour filial eurent le dessus. Cependant le souvenir de son cousin ne s’effaça jamais de son cœur, et elle ne voulut point rompre le vœu intérieur qu’elle avait fait de vivre et de mourir Marcie de Villefranche. Cette catastrophe fut non moins