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marcie


— Il n’y a que cinq minutes de marche, dit Job en insistant, et pas de boue sur les rochers.

— Allons ! je me fie à toi ; mais gare tes épaules si tu me trompes.

Cette menace du chevalier ne tirait pas à conséquence, quant à l’esclavage de Job ; il en eût dit autant à son laquais blanc. Job, accoutumé aux traitements les plus doux de la part de son maître et de M. de Gaucourt, savait à quoi s’en tenir sur les menaces de ce dernier.

Le chevalier descendit donc de cheval, ainsi que le noir, et tous deux s’engagèrent dans l’étroit sentier qui coupait en ligne droite sur Saint-Paul, en passant à travers l’habitation de Fleurimont. Le noir marchait en avant avec les chevaux en laisse ; le chevalier suivait. Ils arrivèrent bientôt en face d’une solide maison de bois élevée d’un étage, comme toutes les maisons créoles. Il régnait une grande obscurité autour de cette demeure qu’on eût dit abandonnée. Job s’arrêta et dit au chevalier :

— C’est la case de M. Fleurimont. Tous les noirs sont partis pour Saint-Paul, mais Job sait bien qu’il est là.

— Comment sais-tu cela ? s’écria M. de Gaucourt avec vivacité ; si tu le savais, pourquoi ne l’avoir pas dit ?

— Ah ! Monsieur, parce que...

Mais le chevalier n’entendit pas le reste de la réponse de