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marcie

l’amour paternel, amour protecteur qui avait si longtemps rempli son cœur et qui s’effaçait aujourd’hui devant une tendresse plus vive et plus absorbante. La lune, qui se levait large et éclatante au-dessus de la chaîne de Bénard, paraissait suspendue comme une lampe gigantesque à la voûte sombre du ciel. De grands nuages noirs flottaient çà et là, et quelques éclairs d’orage commençaient de luire dans leur masse épaisse.

— Comment, Marcie, tu veilles encore ! dit M. de Villefranche en sortant à demi de la varangue, en face des fenêtres de sa fille ; rentre donc, mon enfant. La pluie commence à tomber, et je crains que ce pauvre chevalier ne soit affreusement trempé pendant la route.

— Que dites-vous, mon père ? s’écria Marcie, mon cousin est-il donc sorti de l’habitation ?

— Mon Dieu, oui ; il a voulu bon gré mal gré se rendre au quartier pour hâter d’un jour les préparatifs de ton mariage.

— Mais le temps est affreux ! quelle imprudence ! oh ! je le gronderai bien fort.

— Allons, ne t’effraie pas ; il a emmené Job avec lui, et dans une demi-heure il sera à Saint-Paul. Couche-toi, mon enfant.

Marcie se retira de la fenêtre que Rite ferma avec soin, et bientôt on n’entendit plus dans l’habitation de Villefranche