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marcie



III


La colère et l’indignation de MM. de Villefranche et de Gaucourt furent grandes, comme on peut le croire. D’actives poursuites furent dirigées contre le propriétaire du Piton-Rouge, mais toutes furent vaines. Fleurimont n’avait point reparu dans son habitation ; nulle trace de sa retraite ne fut reconnue. Marcie s’était remise de l’alarme inattendue qui l’avait assaillie, et le calme ordinaire de sa vie chassait peu à peu de son esprit le souvenir du petit blanc.

Deux mois après ces événements, par une chaude et lourde soirée, vers les dix heures, Marcie venait de quitter son père et son fiancé et de rentrer dans le pavillon qu’elle habitait. L’époque de son mariage était prochaine, et les émotions qu’excitait dans son cœur cet acte solennel de sa vie lui faisaient rechercher la solitude. N’est-il pas vrai de dire que l’attente du bonheur, pour être d’une tout autre nature que l’appréhension d’un événement malheureux, n’en est pas moins oppressante ? Marcie accoudée sur le rebord de sa fenêtre, tout entière au sentiment nouveau qui la possédait, contemplait avec une joie profonde et mélancolique cette belle terre natale où avait fleuri sa jeunesse à l’ombre de