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marcie

de gaieté... Oh ! je suis reconnaissante à Dieu d’être née ! »

Elle leva les mains au ciel dans un mouvement de plénitude de cœur ; mais ses bras retombèrent aussitôt, sa figure prit une expression de frayeur vague et elle se dressa en s’appuyant contre l’arbre au pied duquel elle s’était assise.

En face d’elle, deux yeux grands ouverts se fixaient sur elle à travers les feuilles. Rite s’était éloignée en furetant dans les buissons ; elle était seule et sans défense. Fleurimont écarta vivement les branches qui le cachaient et s’avança vers elle avec violence. Mais il s’arrêta bientôt, pâle et tremblant, en face de la dignité calme sous laquelle la noble fille dissimulait ses mortelles appréhensions.

— Que voulez-vous de moi, Monsieur ? lui dit-elle d’une voix émue.

Fleurimont cacha sa tête dans ses mains et ne répondit pas.

— Si vous désirez parler à mon père, vous pouvez tendre de ce côté ; il y chasse en compagnie de mon cousin, M. le chevalier de Gaucourt.

Le petit blanc se jeta les deux genoux en terre, la main étendue vers elle, et il lui dit avec toute l’énergie d’une ardente passion

— Oh ! que vous êtes belle ! je vous aime, je vous aime !

— Vous êtes fou, Monsieur, dit Marcie en reculant avec dégoût ; retirez-vous, ou j’appelle.